Le cycle du carbone est un cycle biogéochimique de première importance. Il est régulé par des phénomènes de court terme tels que respiration et photosynthèse, des phénomènes ponctuels (l’activité volcanique par exemple), et des phénomènes de long terme tels que la fossilisation. Le bilan des échanges de carbone imputables aux êtres vivants est censé être nul, on dit alors de l’écosystème qu’il est en homéostasie. Ainsi, dans un écosystème qui est à l’état d’équilibre, la quantité nette de dioxygène produite par respiration est égale à la quantité de dioxygène consommée par respiration. Quelle merveille de planète capable d’auto-régulation me direz-vous. Soit, mais un animal bien particulier s’est permis de noircir ce tableau bucolique, par la combustion de matières carbonées notamment. La course est désormais lancée, entre le système qui tente tant bien que mal de maintenir l’homéostasie, et les hommes qui n’ont de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues. Mais cette course n’est-elle pas déjà perdue?
Un serpent qui se mord la queue
La déforestation et la combustion de matières carbonées, rejetant du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, sont les principales interventions humaines sur le cycle du carbone. Ainsi, la corrélation entre activité humaine et concentration atmosphérique en dioxyde de carbone est aujourd’hui largement prouvée : stable depuis des décennies d’observation, cette concentration a explosé avec l’avènement de l’ère industrielle. [3] Nous savons aujourd’hui que ce bouleversement du cycle induit des changements climatiques et un réchauffement de la température de la planète. Ce que le grand public sait moins, c’est que la dégradation du cycle est un phénomène auto-aggravant. Ainsi, « la solubilité du dioxyde de carbone dans les océans dépend de leur température. En augmentant cette température, suite à la hausse des taux atmosphériques de dioxyde de carbone, nous baissons la capacité de stockage des océans, qui se mettent alors à rejeter eux-mêmes du dioxyde de carbone. Sachant que le deuxième plus important réservoir à carbone est l’hydrosphère, l’enclenchement d’un cercle vicieux serait hautement préjudiciable [4].» La question se pose dès lors avec de plus en plus d’acuité : le cercle vicieux n’est-il pas déjà enclenché ?
Quid de la responsabilité individuelle?
Je vous le disais en guise d’introduction, je consomme 2,3 fois trop (en caricaturant un peu la complexité du phénomène, certes). Si je parle de moi, ce n’est pas parce que je représente un certain type de population, même si je l’ai déjà dit, mon empreinte écologique est deux fois moindre que la moyenne européenne. Je n’ai pas de voiture. C’est sans doute là la raison qui me permet de fanfaronner, car les empreintes calculées pour les postes logement et alimentation sont similaires à cette moyenne. Je vis seul, je consomme des produits saisonniers, mais pas uniquement, loin de là. Il m’arrive de manger des produits manufacturés, même si je préfère la cuisine. Il semblerait que ces simples faits contribuent à me mettre dans une situation de responsabilité vis-à-vis de la planète, vis-à-vis de ma communauté, et a fortiori vis-à-vis des communautés souffrant de cette situation sans en être responsables (l’empreinte moyenne pour l’Afrique est de 1,2) [2]. Il faudrait donc, pour être un citoyen en adéquation avec les prétentions du développement durable, que je consomme moins de produits importés et moins de produits manufacturés, et que je ne vive plus seul.
De l’individuel au collectif
Au vu de ces éléments, il ne me semble pas abusif de relier cette problématique à la conception individualisée du temps et des cycles de vie. Ainsi, beaucoup aujourd’hui ne pensent plus qu’à eux et se projettent dans le temps uniquement sur le court terme, alors que les phénomènes naturels régulant le cycle du carbone sont tous de très longue durée. Il est donc urgent de réintégrer la notion de long terme. Parce que penser au long terme, c’est penser à l’autre, c’
est sortir des conceptions individualisées, c’est croire qu’il est plus important de ne pas participer à l’hécatombe écologique que d’avoir un nouveau home-cinéma dernier cri parce que le voisin en a un. Il est bien sûr impossible de parler de LA solution, qui n’existe pas, mais il me semble que le retour vers une vie plus collective soit l’une des voies à emprunter. Même s’il paraît difficile de composer avec les 6 milliards d’êtres humains (et cette explosion démographique est elle-même parallèle à la révolution technicienne), les communautés pourraient (ré)inventer des formes d’organisation moins polluantes. La vie collective, les achats collectifs, les repas de quartiers, les solidarités entre voisins sont autant de pavés posés vers la réduction de notre empreinte écologique.
La problématique des perturbations climatiques pose la question du repli individuel dans les sociétés contemporaines. Elle est un exemple d’une question plus large que son objet propre : le vivre-ensemble. Il convient donc de se forcer à sortir de chez soi, à manger avec des amis, à faire des courses au marché, à privilégier les contacts humains aux tête-à-tête entre Julie Lescaut et une pizza Mozarella aux vrais arômes de l’Italie. Voilà qui me paraît une voie enthousiasmante pour faire sa part du boulot. Insuffisante encore, certainement, mais encourageante. Dans le cadre de cette course à un développement durable, rappelons-nous la devise de notre petit pays : l’union fait la force.