Arrivé de son Angola natal en 1993, Mbunda Kwanza a un parcours assez significatif des réfugiés politiques. Pas facile lorsque l’on était capitaine de bateau de pêche de trouver de quoi survivre dans un pays encore inconnu. Mbunda se met donc à la recherche de petits boulots avec comme atout sa seule volonté de travailler. Après un emploi fastidieux chez TNT, il tente de reprendre des études dans le domaine de la navigation. L’expérience acquise en tant que marin le pousse une fois encore sur le marché du travail, sans succès. Désormais citoyen belge « grâce » au nombre important d’années qu’il a passé en Belgique, Mbunda devient chauffeur de taxi en 2000.
Taximan, un métier d’étranger ?
Pour l’Angolais, un étranger qui devient taximan c’est monnaie courante. « C’est facile, si vous savez conduire et que vous connaissez la ville. Ensuite, il suffit d’un permis de conduire et d’un patron qui accepte de vous embaucher. Il faut juste passer quelques examens à la police après tout cela ». Le Belge ne serait pas friand de ces métiers en « plein air » à l’instar des métiers d’ouvrier où l’on retrouve également beaucoup d’étrangers. Car être conducteur de taxi avec un salaire mensuel de 1200 euros minimum comporte aussi des risques non négligeables. Mbunda en a fait la triste expérience au cours de sa première année de travail. On entend régulièrement parler d’agressions sur des chauffeurs de bus ou des accompagnateurs de train mais rarement sur des taximan. Pourtant ces agressions sont réelles. «On se fait voler la recette de nos courses, les papiers d’identité, etc. On en parle dans la presse mais vraiment très peu » raconte Mbunda qui s’est fait lui même agresser en 2000.
Ce soir-là, place du Marché en plein cœur de Liège, trois personnes montent dans son taxi. Les agresseurs font tourner le taximan dans la ville sans jamais vouloir descendre malgré ses réclamations. Les trois comparses emmènent ce dernier à proximité d’un cimetière d’où ils tentent de s’enfuir sans payer la course. Mais Mbunda se lance à la poursuite de ses agresseurs et une bagarre éclate avec l’un d’eux. «C’était pas normal un taximan qui se bat avec un client mais là je n’avais pas le choix car s’il partait, je perdais tout l’argent de la course. J’ai donc été obligé de le mettre dans mon coffre et de le ramener à la société de taxis». Les collègues de Mbunda interviennent et obligent son agresseur à payer sa dette. « Il a essayé de faire croire que c’était moi qui avais été violent avec lui mais mes collègues me connaissaient bien, ils savaient que je ne suis pas quelqu’un de violent ». Des histoires étranges, le taximan en a vécu d’autres comme cette fois où un client s’est fait conduire à Maastricht afin d’acheter de la drogue. Suite à ces mésaventures, Mbunda décide de quitter le métier après un an de
labeur.
Mon taxi, mes emmerdes
Depuis, Mbunda a été engagé dans une autre société de taxis liégeoise . Son salaire se calcule au pourcentage de ses courses dont le patron prend 65% de jour et de nuit mais pour les courses de nuit, le client paie double. «Si je fais une course de dix euros, je récupère 3 à 5 euros. En moyenne, je gagne 1200 euros par mois, il n’y a pas de barème fixé ». Malgré un salaire parfois un peu maigre, Mbunda se souvient que lui aussi a été dans le besoin alors il aide de temps à autres des gens qui n’ont pas d’argent pour rentrer chez eux.
Pour arrondir ses fins de mois, il arrive à Mbunda d’avoir recours au travail en noir. « Tout le monde est au courant de ce genre de pratique mais le patron ne doit pas le savoir sous peine que l’on se fasse virer ». Le travail en noir est pourchassé par la police et les patrons bien sûr, tous surveillent de très près les chauffeurs de taxi. « La police nous suit et nous arrête quelques fois sans compter les dénonciations. Quant à mon patron, il se rend vite compte que l’on fait trop de noir car il sait où l’on est en permanence grâce au GPS. Toutes nos courses sont fortement contrôlées »
explique-t-il. La police peut facilement filer un chauffeur de taxi soupçonné de fraude car si la galerie n’est pas allumée, la course doit être mentionnée sur la feuille de route où sont rigoureusement notés les endroits de départ et d’arrivée des clients.
Mais il y a quelques subterfuges dont un taximan peut user afin de gagner un peu plus. Il peut, par exemple, prendre un second client sur le chemin du premier, le déposer sur le trajet et se faire payer en retour. « Si on ne fait pas tourner le compteur quand on charge le second client, le patron ne peut rien voir ». Il existe aussi ce que dans le jargon on appelle les « belles courses » où le taximan feint une maladie afin de prendre sa voiture privée pour emmener un client à Paris par exemple. Le client paie moins cher et cela permet au taximan de voyager tout en gagnant de l’argent.
Il y a aussi des avantages à être chauffeur de taxi. Environ quatre fois par mois, le patron d’Mbunda permet à ses employés d’effectuer des trajets en dehors de Liège. Amsterdam, Maastricht, Bruxelles ou encore Paris, Mbunda a eu l’occasion de faire de belles visites. « Je voyage un peu grâce à cela, je vois d’autres milieux, d’autres villes même si ce n’est que pour des aller-retour». La direction l’a bien compris, ce type de course motive les taximan. « Il y a une liste établie par la direction, quand c’est notre tour, on part mais si on n’est pas libre, on se retrouve dernier de la liste. Tout le monde est à égalité et vu que ces courses sont mieux payées, ça nous encourage » poursuit Mbunda. Pas de doute, la vie de taximan n’est pas toujours facile mais comme dirait l’autre : il en faut…