Grèves: sortir de la confrontation

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S’il y a bien un sujet brûlant en matière de transports, c’est celui des grèves. Une grève des transports, c’est en effet un événement assez cataclysmique, capable de paralyser une ville ou le pays entier avec une efficacité déconcertante. Une grève des transports, c’est un chapelet de difficultés qui s’abattent sur les usagers les plus faibles, ceux qui n’ont pas de voiture ou d’autre solution de remplacement et qui ne sauront parfois pas rejoindre leur travail, leur école. Les grèves des transports ont aussi des effets écologiques graves, en encourageant, à tort ou à raison, les usagers à acquérir une voiture.

Peu de professions disposent donc d’un pouvoir de pression sociale aussi énorme que les employés des sociétés de transports en commun. Et pourtant, malgré cette force évidente, les grèves se répètent de façon relativement régulière, ce dont on peut sans doute conclure qu’elles peinent à obtenir gain de cause. Comment cela se fait-il ?

Une raison semble centrale à cette stagnation : la disparition dans la manière dont on parle des transports en commun de la figure de l’usager, remplacée principalement par celle du client mais aussi parfois par celle du délinquant potentiel (qu’on surveillera, contrôlera, réprimera le cas échéant). Au client, on fournira un service, mais on le privera aussi du droit de participer aux décisions concernant ce service, décisions considérées comme techniques et en aucune manière susceptibles de faire l’objet d’une discussion collective. Qu’est-ce que cela signifie ?

Un client, c’est quelqu’un dont la satisfaction détermine, en le payant, la satisfaction du patron. En général, dans le petit commerce comme dans la grande distribution, plus le client est content, plus il paye, et plus l’entreprise fera des bénéfices. En conséquence de quoi, les patrons aiment à dire à leurs employés que « le client est roi ». Il y a donc une certaine logique, dans un conflit syndical (qui vise généralement pour ses employés à faire pression sur leur patron) à minimiser durant un certain temps la satisfaction des clients, de façon à obtenir ce qu’ils veulent de la part du patron.

Mais voilà, même si le mot client est utilisé à tort et à travers par les sociétés de transports, il n’est pas certain que les usagers des transports en commun soient vraiment des clients. En effet, la baisse de leur satisfaction n’affecte que très indirectement celle du patron de la société de transports, dans la mesure où il s’agit d’une clientèle captive, qui a généralement besoin des transports en commun et les utilisera de toute façon et dans la mesure où le prix payé est fixe et n’augmentera pas si les clients sont plus contents, la perte de recette les jours de grève étant largement compensée par les économies en carburant et en salaires.

On peut donc penser que les usagers et le personnel devraient se considérer commes des alliés, ce qu’ils sont en fait généralement, plutôt que d’organiser entre eux une confrontation stérile. Bien sûr, cela passe par l’invention d’autres modes d’action que la grève (sans pour autant remettre en question le droit de grève) mais il se trouve justement, ça tombe bien, que les grèves ont généralement un objet et une portée qui dépasse le cadre de l’entreprise – que ce soit pour faire cesser les agressions dont sont victimes chauffeurs et accompagnateurs de train ou pour refuser la libéralisation des transports imposée par l’Union européenne, pour prendre deux exemples fréquents.

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