Droit dans les murs!

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« La réalité est ce qui continue d’exister quand on a cessé d’y croire » (Ph. K. Dick)

1-Lors de la nuit terrienne ce sont d’autres infrastructures – éclairées à l’uranium enrichi et faites de bitume – qui lacèrent la surface de la future ex-Belgique. Autoroutes en saignées, murs infranchissables par le vivant survivant. Les périphériques pour hideux remparts horizontaux cernant les technopoles. Ces villes occidentales, brésiliennes, turques, russes, etc. dont certains quartiers dits privilégiés disposent d’une seconde enceinte privée et gardée. Le retour des donjons et de leurs milices s’est banalisé. A Padoue, ce sont des élus de « gauche » qui érigèrent l’année passée une palissade d’acier coupant la respectable cité de sa partie misérable.

2-Pourtant, les rediffusions continues de « La Chute du mur de Berlin », grand classique de la société du spectacle, sont sensées attester de la fin de l’Histoire. Finie la confrontation et autres luttes des classes, l’Est est à l’Ouest, l’heure est à la flexibilité conviviale, les consciences s’éveillent, des réseaux alternatifs win-win se multiplient, répètent les adeptes de l’autosuggestion positive. Or, depuis bientôt vingt ans qu’ils débitent ces mantras béats, le monde n’a jamais été aussi proche du mur des condamnés. Ses habitants mutant en pelotons d’exécution bâtisseurs pris de frénésie paranoïaque n’en ont onques érigé autant, ni de si monstrueux et sanglants. Encore un peu de patience passive et un tour du monde sans quitter le sommet des murs de la honte sera bientôt possible.

3-Alors que les médias mettent en scène la réconciliation en Irlande du Nord toujours occupée, un mur de béton et d’acier, la « ligne de la paix », déchire toujours Belfast. Deux communautés religieuses se haïssent au nom du même dieu dans l’intérêt de simples mortels. Le silence assourdissant des marteaux piqueurs …Il en va de même concernant celui qui défigure une île qui n’avait rien demandé : Chypre. Ici aussi les dieux sont invoqués, l’un serait plus grand, l’autre laverait plus blanc. Le Botswana érige une clôture électrifiée anti-immigration sur les 500 km qui le séparent du Zimbabwe. L’autre dont il faut se murer devient un continent entier dans le cas du mur qu’érigent les Etats-Uniens à leur frontière sud. Murer le Mexique, l’Amérique centrale et du Sud. 1900km (soit deux tiers) seront bientôt couverts. De même pour l’Europe clôturée de Melilla à Douvres, assistée dans son hypocrisie par une mer méditerranée dont la vocation naturelle est renversée. De carrefour d’échange, elle devient mur d’eau, scanné, gardé, patrouillé nuit et jour afin d’intercepter les passe-murailles aquatiques et leurs cargaisons de vies à la dérive, corvéables à merci.

4-Avant d’aborder le paroxysme des murs, petit détour par un mur de sable oublié, occulté. Car les Sarahouis eurent la mauvaise idée de naître sur un sol riche en minerais, que le Maroc a décidé d’annexer. Pour tenter de contrer la guérilla, l’armée marocaine érigea cette dune mortelle et continue de plusieurs mètres de haut sur 600 km de long, truffée de matériel de détection et d’interception de dernière génération. Arabes socialistes et laïques contre arabes royalistes à la solde de l’Occident, circulez, y’a rien à voir. On vous rappellera quand le Front Polisario sera menacé par une faction intégriste providentielle, dans un scénario conçu derrière le mur suivant…

Qui en est le summum, renvoyant celui de l’Atlantique au rang de parcours santé, le mur d’apartheid qu’Israël construit dans les territoires occupés, aussi appelé «clôture de défense» du côté des miradors. Ultime provocation d’un régime intégriste et militariste défiant systématiquement les décisions de la communauté internationale, la prenant en otage sous la menace permanente d’un conflit dévastateur. Coulée de béton, de haine et de mépris, le syndrome du bunker précède toujours la chute.

5-Les murs appellent les souterrains, ceux qui vont du Mexique au Texas, ceux qui défient l’écrasante supériorité
militaire d’Israël. Creuser un souterrain demande une organisation sans faille. C’est la résistance qui naît dans la clandestinité, à l’ombre du mur des fusillés. «Le mur murant Paris rend Paris murmurant», disait une formule populaire annonçant la révolution…

6-Pour conclure de manière constructive, voyons maintenant comment détruire ces murs. Les possibilités sont variées, innombrables et dépendent principalement de la situation socio-politique du lieu où un mur gâche votre vue et/ou votre vie. La plus expéditive étant bien sur les différents explosifs prévus à cet effet et généralement disponibles à proximité des murs visés. Si la configuration des lieux ne permet pas ce type d’option et que le temps ne manque pas, portez votre choix sur les bulldozers, marteaux piqueurs, masses, burins. Eux aussi présents à foison aux abords des murs. Il est d’autres situations où la présence massive de canidés quadrupèdes ou bipèdes, de champs de mines, mitrailleuses et autres engins militaires nocifs pour la santé imposent une approche plus mesurée. Dans ce cas optez pour la tactique de la sape. Tels les sapeurs qui creusaient des galeries charpentées sous les fortifications assiégées pour y bouter le feu afin de provoquer la brèche fatale par affaissement. Toujours dans le cas où l’attaque est menée depuis l’extérieur et si la sape théorique ou pratique s’avère impraticable, révisez vos classiques, particulièrement ceux qui évoquent Troie et sa chute de cheval.

7-La technique infaillible reste la prise à revers. Pour illustrer les assauts menés depuis l’intérieur, il en est un qui serait franchement hilarant s’il n’avait scellé la victoire nazie sur le front Ouest en ‘40. La ligne Maginot, ouvrage français donc mégalo, apogée de la forteresse, censée stopper net les hordes de teutons supposées venir de l’Est. Les Allemands la contournèrent par la neutre Belgique, ses innombrables pièces d’artillerie n’étaient pas prévues pour pivoter…Un fiasco monumental absent des livres de l’histoire officielle. De là à écrire qu’il appartient à ceux que le mur est censé protéger de le démonter, il n’y a qu’un pas à franchir allègrement. A mort les murs, longues vies aux ponts !

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