11. L’amour dans les transports

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Adolescent, nous avons tous connu les plaisirs des banquettes arrières d’une auto pour pallier la chambre chez papa-maman et le manque de fric pour payer la piaule d’hôtel. Vu de l’extérieur, ça a toujours été une scène plutôt cocasse : une voiture à l’arrêt, tous feux éteints, sans conducteur, se dodelinant en tous sens en faisant couiner les amortisseurs, les vitres suintant sous la buée provoquée par des souffles haletants.

Devenue adulte, je voulais mettre un turbo à mon moteur libidinal et aller de l’avant. Ce magazine féminin m’offrait la possibilité d’un petit trip pas piqué des vers. En voiture Simone ! Objectif : atteindre le score maximum des transports amoureux (cf. le quiz du supplément « êtes-vous un cheval de trait, une bête de sexe bien montée ou un cheval hippique toujours porté favori ? »).

J’ai commencé simplement : dans un wagon de train plutôt isolé. Certes, le frottement des roues sur le rail, les secousses, les ralentis et les redémarrages amenaient un certain mouvement pas déplaisant. Accroupie, la tête entre les jambes de mon amant, j’appréciais la largeur de l’espacement entre les deux banquettes. C’était sans compter avec le spasme de plaisir qui lui fit brusquement lever les hanches, entraînant ma tête dans leur sillage. Celle-ci alla heurter le rebord de la tablette et j’évitai de justesse le fatal coup du lapin.

Pas démotivée, mon étape suivante fut le bateau. Dans un dédale de couloirs, nous trouvâmes un coin accueillant. Le tangage scandait nos ébats, le roulis nous poussait l’un contre l’autre… Prise par derrière et voguant vers l’extase, ma tête appuyée contre le hublot, apparut soudain la mine interloquée du vieux monsieur avec qui nous avions l’habitude de converser sur le pont. À dix centimètres de ses yeux, heureusement séparés par le hublot, apparaissait la moitié de mon visage écrasé contre la vitre tel un poisson-ventouse nettoyant les parois de son aquarium. Quand il vomit tout son saoûl sur la vitre, je ne sus si c’était à cause du mal de mer ou du dégoût devant mon faciès de merlan frit surpris.

Ce nouvel échec nauséabond n’entama pas ma détermination : il me fallait soigner ma moyenne de QO (Quotient Orgasmique, p.5 du supplément). Je remis ça dans un avion. Les sièges étant séparés par des accoudoirs et les rangées permettant à peine de plier les jambes, nous nous en fûmes tester les toilettes, guère beaucoup plus amples mais soit. Le plaisir de s’envoyer en l’air importait avant tout. L’évier épousait la forme de mes fesses, le miroir dans mon dos me donnait des frissons, l’odeur du désinfectant chimique titillait mon côté infirmière et l’altitude me donnait le vertige (de l’amour). Tout fut très bien, mais quand j’atteignis l’orgasme, je m’effondrai comme une chiffe molle. Un tel exercice dans des conditions d’oxygène raréfié avait provoqué l’inévitable syncope !

L’amour de haut vol m’avait donné des ailes et je décidais de passer à la vitesse supérieure. Quoi de mieux qu’une grosse cylindrée ? Je fis appel à un pro : un acrobate de moto auprès duquel je m’abandonnais sur la selle pour faire des galipettes en totale confiance. Je dois avouer qu’il assurait, mes épaules posées sur le guidon chromé, les cheveux au vent, le skaï de la selle crissant sous nos cuisses, l’odeur du carburant qui se consume, le rugissement du moteur, le tout allié à l’ivresse de la vitesse… un court moment d’égarement fut fatal à l’équilibre de notre posture. L’engin dérapa, nous traînant sur quelques mètres dans sa chute. Après la caresse du skaï, ma cuisse gauche connut la morsure du pot d’échappement : brûlure au troisième degré. Un stigmate des feux de l’amour version biker.

L’arrière de l’autocar pour Ibiza était confortable et discret. On put varier à l’aise les positions, faire durer les préliminaires : 22h de route ! Sans peur de réveiller les mammies bourrées de Véronal. Bonne qualité du rembourrage des sièges, douceur du revêtement de velours, lumières de l’autoroute
qui filent sur les vitres donnant une ambiance boîte de nuit tout comme les tubes années 70 que nous passait le chauffeur. J’étais assise sur mon partenaire au milieu de la banquette, quand un coup de frein soudain nous propulsa dans la rangée centrale. Je parvins à me rattraper aux sièges voisins, lui non. Il glissa de tout son long entre les sièges, le pantalon et le slip sur les genoux, sous le regard effaré des insomniaques, jusqu’au devant du car où le chauffeur hilare faillit faire une embardée. Si j’avais su, je n’aurais pas fait durer autant les amuses-gueule..

Pas très concluant tout ça. Encore un supplément féminin qui va finir recyclé en papier chiottes. Ceci dit, si vous rêvez d’être transporté-e d’amour et d’atteindre le septième ciel sans risquer l’incident de parcours, mais que néanmoins vous aimez :

– les vibrations. Alors préférez la machine à lessiver en mode essorage,

– le roulis. Alors tentez un matelas à eau,

– les hauteurs. Alors faites l’amour sur le toit de la Tour Belgacom,

– les grosses cylindrées. Alors achetez-vous un godemiché taille XXL.

Par contre si la performance vous hante, n’hésitez pas, il reste encore à tester (et à nous le raconter) le skateboard, la mongolfière, le cuistax, la luge, le deltaplane, le puss-puss, le kayak, le ski ou le remonte-pente. Et peut-être que vraiment l’extase se trouve au bout du chemin…

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